PHILIPPE BANYOLS : Psycho versus Coach – épisode #1
Témoignage d’un apprenti coach
Psycho versus coach – épisode #1
Publié le 24 mars 2017
Philippe Banyols, docteur en psychologie, ancien psychologue-clinicien et, depuis novembre, apprenti coach de la promotion 2016-2017 du Master « Coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques » (CATOP), nous invite à le suivre dans le cheminement de sa réflexion, étape par étape. La découverte de la pratique du coaching est pour lui l’occasion de mettre en perspective sa pratique de psychologue. En quoi ces deux expériences sont comparables ? Qu’est-ce qui les distingue ? Comment construire une identité professionnelle qui fasse la synthèse ?
Vous trouverez ci-dessous le premier épisode de la saga « Psycho vs Coach ».
Bonne lecture !
Comparaisons des formations où je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…
En 1987, je fus engagé comme psychologue clinicien dans un hôpital du sud de la France. Tout juste sorti de l’université, j’y exerçais alors mes fonctions dans un service de pédopsychiatrie. Mes activités se partageaient entre, d’une part, des entretiens individuels[i] avec des enfants, des adolescents ou des parents et, d’autre part, de la supervision[ii] des équipes soignantes et éducatives. Bien que devenu ensuite directeur d’hôpital par la voie du concours interne, je n’ai jamais vraiment rompu avec mon premier métier car j’ai quasiment toujours poursuivi des activités de recherche jusqu’à l’obtention d’un doctorat en psychologie en 2010. Aujourd’hui engagé dans le Master CATOP, je ne peux pas ne pas établir un parallèle entre les métiers de psychologue et de coach, tel que je le perçois, après quatre mois de formation à l’Université de Paris-Dauphine.
Le coach n’est pas un psychologue Canada Dry !
Premier constat : si l’enseignement théorique et pratique est quasiment le même, la durée des enseignements est, elle, très différente : un an à temps partiel à être coach vs cinq ans à temps plein à être psychologue. Présentée dans ces termes, la comparaison fait apparaître le coach comme une sorte de succédané du psychologue voire du psychothérapeute !
Pour aller au-delà de ce premier constat et dépassée cette vision caricaturale partagée par beaucoup, il ne faut pas faire l’économie de comparer les formations et de regarder de plus près ce que le psychologue et le coach ont en commun et ce qui distingue leurs pratiques.
L’enjeu d’autant plus important que le titre de coach n’est pas protégé. Même s’il existe des recommandations de bonnes pratiques émises par des organismes de professionnels, rien n’interdit à quiconque de s’intituler coach et d’exercer en tant que tel. La formation est donc une question clé pour la légitimité du coach mais aussi pour celle du coaching en tant que discipline. La durée d’une formation est, évidemment, importante. Le temps permet à l’enseignant d’approfondir les concepts, parfois complexes, qui sont les repères indispensables à la pratique.
Le coaching est une pratique aux ambitions différentes de celles du psychologue. Contrairement au psychologue, le coach n’est concerné ni par la psychopathologie (ce qui ne veut pas dire qu’il doit tout en ignorer), ni par les enfants, ni par les personnes souffrant de graves déficits ou de handicap mentaux. Le coach concentre son activité sur des personnes ayant une problématique relevant du domaine professionnel, des personnes aux capacités d’élaboration suffisantes, qui ont besoin temporairement d’un espace de parole disponible et d’un temps d’écoute bienveillant.
Acquérir le niveau de compétence suffisant pour exercer sereinement cette activité spécifique au coaching ne requiert pas forcément de longues années d’enseignements magistraux. L’accès au savoir est, en effet, de plus en plus simple. Alors que, dans les années 80, les séminaires de Lacan dont trois ou quatre seulement étaient édités se transmettaient entre initiés, aujourd’hui l’accès aux textes se fait en un seul clic sur le web. Même si ça ne dispense pas les étudiants du recours au magistère, ça simplifie grandement leur tâche.
L’axe expérientiel de la formation de coach est très développé à Dauphine ; alors qu’il n’intervient que très tardivement dans le processus de formation du psychologue. De ce point de vue, il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux types de formations, parce que psychologues et coachs continuent, bien après la fin de leur temps d’apprentissage, à avoir besoin de régulation, d’analyse, de contrôle ou de supervision de leurs pratiques.
Dans l’un et l’autre cas, il me semble très important que l’achèvement de la formation soit sanctionné par le même titre à savoir un Master. Ce qui implique que l’accès à la formation soit rigoureusement déterminé, ce qui est effectivement le cas à Dauphine.
Au vu de ces éléments, on peut conclure que la différence entre les durées des deux formations ne signifie pas qu’il y a une différence de niveau. Autrement dit, le coach n’est pas un psychologue Canada Dry !
Le coaching et la question de l’analyse profane
Au-delà de cette comparaison sur la formation et la pratique, il me semble intéressant de tracer des perspectives, en cherchant dans l’histoire des situations approchantes ou similaires qui permettent de résoudre nos interrogations
En 1926, Freud publiait La question de l’analyse profane[iii] où il défendait la légitimité des non-médecins à pratiquer la psychanalyse parce qu’il considérait que le fonctionnement psychique, contrairement à la physique ou à la chimie, ne pouvait se réduire à un savoir constitué et sacralisé. D’une certaine manière, nous nous trouvons aujourd’hui devant l’occurrence d’une interrogation similaire : celle de la légitimité des non-psychologues à pratiquer une forme de relation d’aide et, donc, de leur capacité à utiliser les mêmes supports techniques : la gestalt ou l’entretien clinique[iv] d’inspiration rogerienne par exemple.
A mon sens, la réponse à la question de la légitimité du coach soulevée aujourd’hui par certains psychologues[v] est assez similaire à celle qu’apporta Freud hier aux médecins et la possibilité de l’analyse profane, qui se pratique toujours et le plus souvent avec bonheur[vi] démontre que la relation d’aide ne se légitime pas seulement de titres universitaires mais aussi d’un certain nombre de prérequis qui concernent pour l’essentiel l’équilibre personnel du praticien. Le coach n’est ni un gourou ni un apprenti-sorcier mais un praticien qualifié et responsable de sa pratique.
Autrement dit, je suis convaincu que le coaching a un horizon assez comparable à ce que fut celui de la psychanalyse lorsque Freud écrivit ce texte ; rayonnant forcément rayonnant.
A suivre…
Une question reste en suspens pour l’apprenti coach : le choix d’une orientation théorique, quelle qu’elle soit, dans le très court laps de temps de sa formation, alors que ce choix se fait plus facilement dans le cadre d’une formation longue !
Rendez-vous donc pour l’épisode 2 de « Psycho versus Coach » : Gestalt, systémique… que choisir ?
[i] J’évite délibérément d’employer le terme psychothérapie qui supposerait des développements qui alourdiraient inutilement mon propos.
[ii] J’évite délibérément d’employer le terme psychothérapie qui supposerait des développements qui alourdiraient inutilement mon propos.
[iii] Editions Gallimard, Paris, 1985
[iv] Cf Reine-Marie Halbout, qui définit la posture du coach comme une posture clinique
[v] Cf par exemple mon ami Roland Gori et Pierre Le Coz, L’empire de coachs, une nouvelle forme de contrôle social
[vi] Contrairement aux assertions velléitaires et infondées de quelques philosophes médiatiques à la coiffure étudiée
Article témoignage de Philippe Banyols
Docteur en psychologie
Directeur de Centre Hospitalier et E.H.P.A.D.
Etudiant eMaster Coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques –promotion 2016 – 2017
1 réponse
[…] Après un premier épisode intitulé « Comparaisons des formations où je vous parle d’un temps…, il nous invite, à nouveau, à le suivre dans le cheminement de sa réflexion, étape par étape. […]