PHILIPPE BANYOLS : Psycho versus Coach – épisode #2
Témoignage d’un apprenti coach
Psycho versus coach – épisode #2
Nous retrouvons Philippe Banyols, docteur en psychologie, ancien psychologue-clinicien et, depuis novembre, apprenti coach de la promotion 2016-2017 – Executive Master « Coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques » (EM CATOP).
Après un premier épisode intitulé « Comparaisons des formations où je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… », il nous invite, à nouveau, à le suivre dans le cheminement de sa réflexion, étape par étape.
La découverte de la pratique du coaching est pour lui l’occasion de mettre en perspective sa pratique de psychologue. En quoi ces deux expériences sont comparables ? Qu’est-ce qui les distingue ? Comment construire une identité professionnelle qui fasse la synthèse ?
Vous trouverez ci-dessous le deuxième épisode de la saga « Psycho vs Coach ».
Bonne lecture !
Immersion VS escalade
Les étudiants de l’Executive Master « Coaching et Accompagnement de la transformation des organisations publiques » (EMCATOP) sont, dès leur arrivée, baptisés par immersion dans un bain de Gestalt. Sans suffixe. En effet, il n’est que rarement voire jamais question de gestalt-théorie, ni de gestalt-thérapie. Ce mot Gestalt qui vient inonder le début de la formation ne fait l’objet, dans un premier temps, que de très peu d’éclairages théoriques mais d’une mise en pratique immédiate. Séances expérientielles, accent mis sur l’éprouvé, le ressenti, l’émotion et organisation des échanges autour de ces vécus, au début, il s’agit de faire connaissance les uns avec les autres en utilisant des ressorts gestaltistes. Présentations croisées, variations des scansions ; séquences longues, séquences courtes, dispositifs inattendus, tête-à-tête imposés etc. Lors de ce baptême, l’assiduité et la pugnacité des interrogations concernant mes ressentis est une grande surprise pour le fonctionnaire que je suis comme l’immersion dans de l’eau bénite doit en être une pour les candidats au baptême. Je ne suis pas formaté pour m’interroger sur mes états d’âmes et encore moins pour les étaler…
Escalade : parcours à choix multiples
Brusquement plongé dans cette sphère que je pensais sinon intime du moins personnelle, je me retrouve
ici et maintenant à patauger en position basse, guettant la possibilité d’un plein contact et essayant de retrouver dans les tréfonds de ma mémoire les souvenirs perdus des cours de mes vieux professeurs sur l’épokhè, la phénoménologie et la Gestalt-thérapie… Mirail, mon beau Mirail, dis-moi que je ne suis pas complètement has been.A la surprise de cette immersion brutale s’ajoute celle d’une relative désaffection à l’égard des concepts théoriques fondamentaux. Dans ma formation initiale de psychologue, il était inenvisageable que la pratique ne soit précédée d’un travail d’enseignement magistral approfondi sur ses fondements conceptuels. Enseignement qui se délivre progressivement selon un schéma qui part de la psychologie générale pour se différencier d’abord entre grandes catégories de psychologies (psychophysiologie, psychosociologie, psychologie clinique et pathologique, etc.) puis au sein de ces catégories (psychologie clinique d’inspiration analytique, gestalt-théorie, thérapies comportementales, par exemple) lesquelles se scindent quasiment à l’infini entre écoles de pensée, (psychanalyse jungienne, lacanienne, kleinienne etc). Dans cette arborescence touffue, les branches sont multiples et les choix infinis. Le parcours de l’étudiant en psychologie consiste à lentement grimper sur cet arbre en choisissant au fur et à mesure de ses appétences et de ses rencontres celle sur laquelle il sera le mieux assis.
Son orientation se détermine au gré de ses travaux et de ses lectures mais surtout en fonction des maîtres qu’il se choisit. La réalisation de travaux écrits, plus particulièrement des mémoires et, a fortiori, des thèses, oblige à choisir un directeur, enseignant universitaire spécialiste de la question traitée. Difficile de dire comment on choisit son maître de mémoire ou son directeur de recherche parce qu’on choisit autant un savoir et celui qui l’incarne. Ce sont ces choix successifs qui orientent dans une direction, vers un corpus de connaissance lesquelles, ensuite, auront pour fonction d’étayer la pratique du psychologue en l’éclairant.
J’ai rencontré mes maîtres lors de ma troisième année de formation et je ne les ai plus quittés, qu’il s’agisse de produire un mémoire de maitrise, de ce qui était alors un DESS, puis de DEA ou de rédiger une thèse, ce sont les mêmes qui ont accompagné mes choix, conseillé mes lectures et montré le chemin.
Immersion : retour aux sources
J’avoue avoir été quelque peu dérouté par la mise en scène et en acte du parti-pris gestaltiste initial. Lors du déploiement pédagogique expérientiel qui est réalisé très précocement quelques notions pratiques sont exposées succinctement – reformulations rogeriennes, feed-back, projection, par exemple- et aussitôt mises en œuvre à travers des jeux de rôles. Certes l’ensemble est très élaboré et maîtrisé puisque ce ne sont que des jeux et qu’il s’agit d’une formation, mais il n’en reste pas moins que la question de l’orientation qu’elle soit gestaltiste, systémicienne, jungienne ou autre constitue une énigme ;
Les spécialistes du fonctionnement de l’appareil psychique, qu’ils soient psychologues, psychanalystes, psychiatres sont toujours très engagés dans des débats enflammés entre écoles de pensée. Actuellement, si la querelle la plus spectaculaire parce que violemment médiatisée par Michel Onfray concerne les pro et les antipsychanalyse, elle n’est pas la seule. Les référentiels théoriques qui sont à disposition des coaches sont nombreux[1] et traversé par des débats houleux. Le coach en formation pour rester libre de ses choix doit être vigilant à ne pas se faire balloter par des courants contraires. Garder le cap suppose d’être clairvoyant sur les possibilités de ces concepts pour ne pas céder à la tentation de se réfugier dans la première chapelle venue.
A titre personnel, j’ai longuement hésité lors de mes études de psychologie entre la gestalt-théorie et psychanalyse d’orientation lacanienne. La gestalt m’intéressait pour son attachement au « ici et maintenant » et à ce qui s’y éprouve, Lacan m’attirait pour sa mathématisation du fonctionnement psychique et son intérêt pour le langage. J’ai donc fait un choix, celui de la psychanalyse , parce que l’université est (était) ultra-spécialisée et que s’engager dans une recherche, c’est devenir soi-même un ultra spécialiste. C’est pourquoi, j’avoue éprouver beaucoup de plaisir à renouer avec la pratique de la Gestalt dans le cadre de l’EMCATOP.
Le coaching est une forme nouvelle de relation d’aide. L’enseignement du coaching doit assumer
cette part de nouveauté quitte à trancher avec la stricte orthodoxie universitaire où la théorie précède forcément la pratique. La responsabilité qui revient à chacun d’interroger les références théoriques conceptuelles de son choix offre un grand espace de liberté. A la réflexion, la méthode de l’immersion, est certes un peu brutale mais elle a des vertus rafraichissantes infiniment
bienvenues…
[1] Cf R. M. Halbout, Savoir être coach, chapitre 6.
Article témoignage de Philippe Banyols
Docteur en psychologie
Directeur de Centre Hospitalier et E.H.P.A.D.
Etudiant eMaster Coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques –promotion 2016 – 2017
Merci Philippe !!